L’impact de l’IA sur le secteur du transport

L’intelligence artificielle (IA) peut transformer en profondeur le secteur du transport. Où en sommes-nous en 2025 ? Tom Van Woensel, professeur en transport et logistique à l’Eindhoven University of Technology, explique où l’IA crée déjà de la valeur, où se situent les principales opportunités et risques, et quelles questions éthiques et organisationnelles il faut garder à l’esprit. « L’IA est là et ne repartira pas. »
Ce que l’IA fait déjà (et pas encore)
Le terme IA couvre des systèmes capables d’apprendre, de planifier et de décider de façon autonome à partir de données. Dans la pratique logistique, la percée est encore inégale. Des outils comme ChatGPT ou Copilot sont connus, mais au cœur de la planification et de l’organisation des transports, l’impact reste limité. « Les systèmes d’IA que nous voyons aujourd’hui sont, d’une certaine manière, les moins performants que nous aurons jamais. Ils ne feront que gagner en puissance », observe Van Woensel.
Où se trouve la valeur ?
La recherche et les pilotes montrent surtout du potentiel dans:
- Routage et optimisation de réseau: calcul de meilleurs itinéraires sur base de données temps réel (trafic, météo, priorités de livraison), meilleure combinaison des chargements et réduction des kilomètres à vide.
- Multimodal et longue distance: logiques d’aide à la décision qui synchronisent route, rail, voie d’eau et dernier kilomètre.
- Gestion d’entrepôt: planification, slotting (implantation) et pilotage de la capacité à partir de prévisions de la demande et des temps de cycle.
Les gains pour les entreprises
- Planification plus rapide et plus robuste: moins de tâches manuelles, moins d’erreurs, décisions accélérées.
- Coûts inférieurs: utilisation plus efficace des équipes et des moyens.
- Moins de carburant et de CO2: éco-conduite, choix d’itinéraires et maintenance prédictive réduisent consommation et émissions.
Du labo à la logistique
Universités et entreprises entraînent des modèles d’apprentissage sur de grands jeux de données pour améliorer les prédictions, par exemple sur le dernier kilomètre à partir de centaines de jours de livraisons. En parallèle, un écosystème de start-up très actif accélère l’innovation et son passage à l’échelle. « C’est passionnant de voir science et pratique tenter en permanence de se rejoindre », ajoute Van Woensel.
L’humain reste décisif
L’IA rendra-t-elle certains métiers obsolètes ? Le travail se transforme. « Nous aurons moins de rôles de planification ‘classiques’, mais davantage de profils capables de comprendre l’IA, d’interpréter ses résultats et de gérer les exceptions. » L’intuition humaine reste indispensable lors de perturbations (demandes urgentes, blocages géopolitiques, incidents d’infrastructure). « La force réside dans la combinaison de l’homme et de la machine. »
Conducteurs et attrait du métier
Des plannings plus stricts et pilotés par la donnée peuvent réduire l’autonomie des conducteurs tout en améliorant l’efficacité. L’IA ouvre aussi des pistes pour rendre le métier plus attractif: parcours qui se terminent plus près du domicile, moins de nuitées, meilleure prise en compte des préférences individuelles.
Conduite autonome et platooning
Des camions entièrement autonomes ne sont pas une réalité à court terme en Europe. Des tests sont en cours avec le platooning (conduite en peloton) pour économiser du carburant. Moins pertinent en distribution urbaine, le potentiel est réel sur longue distance.
« L’IA change la manière dont nous organisons le transport », conclut Van Woensel. « La question n’est pas si vous vous lancez, mais comment vous le faites de manière réfléchie. »