Lydia Peeters sur les plans de durabilité pour le secteur des transports

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À l'heure actuelle, le secteur des transports en Europe représente un quart des émissions totales de CO2 sur notre continent. Selon les plans climatiques européens décrits dans le Green Deal, ces émissions devront avoir diminué de 90 % d'ici 2050. Une sacrée mission quand on connaît le peu d'alternatives valables aux camions diesel. Nous nous sommes entretenus avec la ministre flamande de la Mobilité et des Travaux publics Lydia Peeters et lui avons demandé comment on comptait  atteindre ces objectifs.

Où en est la Flandre, en 2023, en ce qui concerne l'objectif de zéro émissions dans le secteur des transports ?

Lydia Peeters : La Flandre est en pleine transition vers le zéro émissions. Au niveau des pouvoirs publics, nous mettons tout en oeuvre pour faciliter et stimuler cette transition et ainsi conserver notre position de leader en matière de transports durables et de logistique durable. Nous voulons réduire fortement les émissions de CO2 pour la mobilité d'ici 2030. En 2005, le secteur représentait 17,7 mégatonnes d'émissions de CO2. Nous devons les réduire de 6,3 mégatonnes d'ici 2030. Pour y parvenir, nous avons pris tout un tas de mesures fortes de verdissement pour la mobilité dans le Plan flamand pour l'énergie et le climat. J'ai aussi créé une équipe pour le transport de marchandises zéro émissions sous le nom VIAVIA, dont la mission est d'adapter et de rendre le transport de marchandises plus écologique grâce à une approche intégrée. Nous misons sur 5 thèmes : la logistique urbaine durable, la navigation intérieure durable, l'aviation durable, les corridors multimodaux et le transport routier de marchandises à zéro émissions. À partir de ces cinq thèmes, nous voulons élaborer des recommandations et des actions en collaboration avec les acteurs privés.

« Nous voulons inciter les sociétés de transport à travailler sur le verdissement »

Par quelles actions concrètes comptez-vous rendre les transports en Flandre plus durables et atteindre ainsi les objectifs de l'Europe dans le cadre du Green Deal ?

Lydia Peeters : Un grand nombre de points d'action concrets figurent dans le Plan flamand pour l'énergie et le climat ainsi que dans le programme « Clean Power for Transport ». Nous voulons ainsi notamment réduire  considérablement le nombre de kilomètres parcourus par les véhicules, les réorienter et les rendre plus écologiques. Il faut un « modal shift », tant pour le transport de personnes que pour le transport de marchandises. Dans ce dernier cas, nous le ferons en élargissant la redevance kilométrique pour les camions sur le réseau routier. Cela concernera donc aussi les zones portuaires et les grands axes où le trafic de transit est important. Nous voulons ainsi réduire le plus possible les transports routiers au profit des transports fluviaux et ferroviaires. Les kilomètres encore parcourus sur la route devront être verts et sans émissions. C'est la raison pour laquelle les transports zéro émissions seront exemptés de la redevance kilométrique à partir de 2024. Ce sont des mesures importantes pour le verdissement du secteur des transports. A partir de 2029 il ne sera plus possible de vendre de voitures neuves équipées d'un moteur à combustion fonctionnant aux combustibles fossiles en Flandre. Nous sommes plus ambitieux que l'Europe sur ce point, mais c'est indispensable pour relever les défis climatiques. 

La réduction nécessaire des émissions de CO2 passera par des investissements dans la technologie, le progrès et l'avenir. Meilleur environnement, plus grande prospérité et économie plus forte sont indissociables.

 

Ce qui empêche encore aujourd'hui de nombreuses entreprises de transport d'opter pour une flotte verte, c'est le coût élevé. Comment les pouvoirs publics peuvent-ils aider dans ce cas ?

Lydia Peeters : Le prix des camions électriques reste en effet beaucoup trop élevé aujourd'hui pour beaucoup de transporteurs. Comme nous voulons aider les transporteurs à acheter des véhicules zéro émissions et des infrastructures de recharge, il y a la prime écologique. Grâce à cette prime, les entreprises ont droit à des subsides pour l'achat d'un camion zéro émissions et des infrastructures de recharge. À côté de ça, il y a aussi les incitants fiscaux. L'achat d'un camion zéro émissions bénéficie ainsi d'une déduction pour investissement majorée de 35 % et les infrastructures de recharge sont déductibles à hauteur de 150 %.

Nous espérons vraiment, à travers ces incitants, encourager les sociétés de transport à travailler sur le verdissement. Car quand vous additionnez toutes ces mesures et la consommation, le total cost of ownership devient déjà beaucoup plus intéressant. Bien sûr, il est aussi important que les constructeurs adhèrent à l'idée du zéro émissions. Nous effectuons régulièrement des visites en entreprise et nous pouvons voir qu'ils misent résolument sur le zéro émissions. Volvo Trucks à Gand, par exemple, a sorti cet été le premier camion électrique produit en Belgique.

« Ce n'est pas une question de ou/ou mais de et/et »

Comment comptez-vous améliorer les infrastructures et la capacité de recharge publiques dans le pays ?

Lydia Peeters : Le gestionnaire de transition pour l'électrification a étudié attentivement le programme « Clean Power for Transport » et analysé le marché. Il est arrivé à la conclusion que le verdissement de la flotte de poids lourds battra son plein à partir de 2025. Notre équipe zéro émissions du projet VIAVIA étudie ce que nous pouvons faire pour disposer d'infrastructures de recharge plus que suffisantes d'ici un an. Des projets-pilotes vont donc être mis en place pour aménager des aires de recharge avec des installations de chargement et de ravitaillement pour diverses technologies à zéro émissions, aussi bien le long de nos autoroutes que sur les sites de transbordement. Ce n'est pas une question de ou/ou mais de et/et. Nous travaillons simultanément dans de nombreux domaines pour donner confiance aux transporteurs dans la conduite électrique. 

Les experts voient de nombreuses possibilités d'avenir dans l'hydrogène. Les camions hybrides avec diesel et hydrogène demanderont moins d'investissements des transporteurs et réduiront les émissions de CO2 de quelque 90 %. Qu'en pensez-vous ?

Lydia Peeters : Nous croyons fermement dans les progrès technologiques et pensons qu'il faut utiliser toute la technologie, l'innovation et les connaissances dont nous disposons en Flandre. Nous voyons sur le terrain qu'il y a en réalité deux voies. Dans un premier temps, pour les courtes distances, nous optons pour l'électrification. C'est l'option la plus rentable à l'heure actuelle. Nous voyons que le marché voudra faire de nouveaux pas vers la technologie de l'hydrogène à partir de 2030, en particulier pour les longues distances. Aujourd'hui, l'hydrogène est souvent gris et sa production demande beaucoup d'énergie. En créant des hubs à hydrogène, comme aujourd'hui à Ostende par exemple, il sera possible de produire aussi de l'hydrogène bleu et vert. Nous n'excluons ni l'un ni l'autre et des combinaisons de technologies sont même possibles. Nous sommes technologiquement neutres pour le zéro émissions. Pour nous, tout est possible pour autant que cela reste rentable et que la décarbonisation soit au bout de la route. 

« Grâce aux incitants fiscaux, nous espérons réduire les émissions de CO2 du secteur des transports de 55 % d'ici 2030 »

La durabilité ne se résume pas à la conduite verte. Optimiser les itinéraires pour limiter le nombre de kilomètres à vide et diminuer ainsi les émissions de CO2 est aussi très important. Quel soutien pouvez-vous apporter dans ce cadre ?

Lydia Peeters : Nous utilisons la taxe kilométrique comme fiscalité incitative. Les transporteurs paient aussi pour les kilomètres à vide et ils ont donc tout intérêt à optimiser leurs itinéraires en fonction des données. Chaque société de transport voit son activité d'un point de vue économique. Il vaut mieux s'associer à un partenaire que de rouler à vide. Les collaborations et hubs de transit sont l'avenir et permettront de parcourir le moins de kilomètres possible. L'objectif final est bien sûr de ne plus du tout avoir de camions vides sur les routes. Cela doit vraiment devenir la norme parce que les files que nous voyons tous les jours sur nos autoroutes coûtent pas moins de 4,8 milliards d'euros chaque année à la société.

Comment pouvons-nous rendre les transports encore plus durables ?

Lydia Peeters : J'ai une grande confiance en notre équipe zéro émissions. Avec VIAVIA, nous avons vraiment formé une coalition de bonne volonté. Nous tendons la main aux acteurs privés pour mettre en oeuvre des actions, prendre des initiatives et promouvoir les avancées technologiques ensemble. C'est aussi ce sur quoi nous nous concentrerons pour les transports à l'avenir : connectés, sans émissions et axés sur l'innovation et les progrès technologiques. La transition est lancée et ça va très vite. En créant un cadre général et en travaillant avec tous les partenaires, les progrès seront au rendez-vous et nous renforcerons notre position en Europe.